Qu’est-ce qu’un sentiment ? Comment définir cette « conscience que l’on a de soi et du monde extérieur »1, cette entité intangible, immatérielle ? Constellé de nuances, le vécu de nos émotions reste intraduisible par le dense mais souvent insuffisant lexique de nos perceptions, créant l’intangible voile entre je et autrui.
Depuis des siècles mis au ban de nos réflexions au profit d’une intellectualisation prétendument rationnelle, les sentiments sont pourtant les racines de notre expérience humaine, de nos actions, de nos rapports aux autres. Ils sont également la première matière de tout geste créatif, l’essence même de l’Art qui dans sa nature « relève plus souvent de l’affect et d’un fonctionnement emphatique que du concept et de la critique »2. Le rôle primaire de l’expression artistique est bien ici : communiquer autrement ces sentiments indicibles.
Et quelle plus belle analogie pourrait être pour ceux-ci que le ciel, vision commune aux couleurs et aux formes aussi complexes que nos émotions ? Cet endroit où évoluent les nuages, ces éphémères et impalpables masses d’eau impactant nos états d’âme comme si nous y étions liés par une sorte d’empathie atmosphérique…
Atmosphère3
A. Couche gazeuse qui entoure le globe terrestre.
- ASTRON. Enveloppe gazeuse qui entoure certains astres.
- PHYS. Unité usuelle de pression.
B. Au fig. Ce qui environne quelqu’un ou quelque chose, ce qui s’en dégage (ambiance, impression, influence, etc.).


A ces réflexions mon esprit commençait à en fantasmer la palette : un mur infini moucheté de fragments émotionnels. Chaque instant possible je regardais depuis le ciel pour en capturer les nuances et ainsi me constituer les ressources nécessaires au début du projet. Puis, pendant quelques mois en ébauche de cette idée titanesque, j’écoutais quotidiennement mon émotion de l’instant, trouvais sa correspondance visuelle avant d’enfin prendre mes pinceaux pour la diffuser sur de petits carrés de papier.
Pendant ce temps je m’amusais à penser au rapport entre ma technique choisie d’instinct, l’aquarelle dont le terme est dérivé du latin aquarius, «relatif à l’eau», et son aspect aussi variable que l’élément auquel elle est rattachée. Parfois j’imaginais aussi les futurs regardant·e·s face à cette vaste palette, face à la variété émotionnelle humaine matérialisée, avant qu’iels ne fassent le geste de s’en approcher pour mieux les lire, créant une intime proximité favorable à la lecture emphatique du fragment émotionnel… Rêve qui finalement ne tardera pas tant puisque la première partie d’Atmosphère sera bientôt exposée à l’atelier des Mosaïques de la Vilaine en avril 2022 dans le cadre d’une exposition collective !



Aquarelle, 6 x 6 cm sur papier texturé au format final 14 x 14 cm.
1, 3. Définitions Sentiment, Atmosphère, d’après les ressources web du CNRTL.
2. GRENIER, Catherine. La revanche des émotions, Essai sur l’art contemporain, Editions du Seuil, mai 2008, Page 7